La santé des gencives influe sur l'état des artères




Le taux de bactéries pathogènes dans la bouche a un impact sur le système cardio-vasculaire.

Des gencives qui saignent lorsque l'on se brosse les dents c'est plus sérieux qu'on ne le pense.

On sait déjà que le dépôt de bactéries entre les gencives et les dents provoque une inflammation (la gingivite) responsable de saignements au brossage, initialisant des maladies plus graves, les parodontites, qui s'accompagnent d'un déchaussement des dents. D'où l'intérêt de ne pas se contenter de la brosse à dents mais d'utiliser aussi du fil dentaire ou des brossettes interdentaires. Selon une étude de l'Université Columbia (New York), les dégâts dus aux bactéries ne sont pas seulement localisés à la bouche mais ils disséminent dans l'organisme, altérant au passage les parois des artères.

«Il existe de nombreuses études épidémiologiques suggérant un lien entre maladies parodontales et cardio-vasculaires, explique le Dr Olivier Meilhac, directeur de recherche à l'Inserm (CHU Bichat), cependant le lien de causalité est difficile à établir car plusieurs facteurs de risque sont communs entre les deux maladies, notamment le tabac, le diabète, la sédentarité, l'obésité.»

Il y a quelques années, à la tête d'une équipe de chercheurs français, le Dr Meilhac montrait que l'on pouvait accélérer l'athérosclérose de rats en les exposant à une bactérie fréquemment impliquée dans les parodontites, Porphyromonas gingivalis. «On a retrouvé des traces de bactéries parodontales dans les plaques d'athérosclérose qui bouchent les vaisseaux, mais là encore, cela ne signifie pas qu'elles en sont à l'origine.»

Cette fois-ci, plus de doute. Des chercheurs de Columbia ont constaté un lien étroit entre la quantité de bactéries présentes dans la plaque dentaire de 420 personnes âgées en moyenne de 68 ans et l'évolution pendant trois ans de l'athérosclérose par la mesure de l'épaisseur de la paroi des artères carotides du cou. «Ceux qui ont amélioré leur état parodontal, clinique et microbiologique, ont aussi eu une évolution lente de cette épaisseur», explique au Figaro Moïse Desvarieux, directeur de recherche à l'Inserm et professeur associé à Columbia.

«Marqueur indirect»

Un lien qui n'existe que pour certaines bactéries, dites pathogènes, justement impliquées dans les parondontites, dont Porphyromonas gingivalis: «C'est très important d'avoir montré que ce lien n'existait pas pour d'autres bactéries qui reflètent l'hygiène dentaire mais ne provoquent pas de maladie parodontale», insiste le Pr Desvarieux. Sur trois années, l'épaississement de la paroi des carotides des personnes ayant le plus de bactéries pathogènes correspond à un doublement du risque d'accident cardio-vasculaire.

C'est "un marqueur indirect de l'athérosclérose, remarque le Dr Meilhac. Il faudra observer la survenue des événements cardio-vasculaires sur une plus longue période et peut-être sur un plus grand nombre de patients». C'est précisément ce qui est prévu dans l'étude américaine. «Nous allons aussi regarder si la progression de l'athérosclérose se ralentit lorsque l'on donne à une partie des personnes suivies un traitement contre les bactéries pathogènes», ajoute le Pr Desvarieux.

L'étude de Columbia invite donc à mieux prendre en charge les gingivites, même en l'absence de maladie plus grave. «Au minimum, c'est un signe qu'il se passe quelque chose», conclut le chercheur. «Il faudrait parler de parodontite à retentissement vasculaire infraclinique (invisible)», suggère le Dr Meilhac, avant d'insister sur «la nécessité d'une meilleure prise en charge des parodontites par les systèmes de santé, pour éviter des problèmes cardio-vasculaires graves et coûteux pour la société».

Source: Le Figaro Santé