Mise en ligne : 18 mars 2014 par Dentalespace
Prévenir et traiter sans tarder les infections bucco-dentaires est un facteur important de protection contre nombre de maladies beaucoup plus graves.
Virus, levures, bactéries… La bouche héberge une diversité infinie de micro-organismes, avec, pour les seules bactéries, quelque 700 types différents. Parmi eux, une majorité d'espèces commensales inoffensives et quelques agents pathogènes dont toute rupture d'équilibre de la flore buccale va favoriser la prolifération. Cette diversité explique l'extrême variété des infections buccales, dont certaines se révèlent aussi en lien avec d'autres maladies chroniques: diabète, cancer, maladies cardiovasculaires ou polyarthrite rhumatoïde notamment.
La maladie parodontale, la plus fréquente, touche 60 % à 80 % de la population dans sa forme mineure, la gingivite. C'est une maladie inflammatoire chronique en réaction à la plaque dentaire, le biofilm bactérien résistant qui colonise la dent et la gencive. Elle est favorisée par certains facteurs, le tabac surtout, mais aussi par diverses maladies et par le stress. Une étude récente cosignée par le Pr Henri Tenenbaum (Faculté de chirurgie dentaire, Strasbourg) a montré que l'hormone du stress, le cortisol, stimule la prolifération d'un des principaux agents de la maladie parodontale, la bactérie Porphyromonas gingivalis. La forme habituelle se déclare vers 35-40 ans, conséquence d'une exposition prolongée aux bactéries et au tartre. «Une forme plus agressive débute à l'adolescence dans des familles prédisposées et affecte surtout les incisives et les premières molaires», précise l'odontologue.
La gingivite ne se manifeste que par des saignements des gencives, trop souvent négligés. Or la plaque dentaire s'insinue en profondeur entre la dent et la gencive. Elle crée alors un espace, une poche favorisant la prolifération des bactéries pathogènes et l'évolution dans 15 % des cas vers la parodontite. Plus sévère, cette dernière aboutit à la destruction des tissus de soutien de la dent, de la gencive, du ligament et de l'os alvéolaire. Si rien n'est fait, la gencive se rétracte, la dent perd son attache, devient mobile, et finit par tomber. «Des gencives qui saignent au brossage, ce n'est ni normal ni anodin. C'est le signe d'alerte d'une inflammation, d'une gingivite qui doit conduire chez le dentiste, d'autant qu'elle est alors encore réversible. Quand la dent devient mobile, le tiers de l'os alvéolaire a déjà disparu», insiste le Pr Marie-Claude Colombier (Faculté de chirurgie dentaire, Paris-Descartes).
«Les antibiotiques sont pratiquement inefficaces sur le biofilm, même s'il faut parfois les associer au traitement», explique le Dr Jean-Hugues Catherine (CHU Marseille). Seule une action mécanique permet de désorganiser, d'éliminer la plaque dentaire par un brossage biquotidien allant de la gencive vers la dent, en nettoyant aussi au fil ou à la brossette l'espace interdentaire. Le détartrage est indispensable, au moins une fois par an, pour compléter cette prévention. La vitesse d'évolution vers la parodontite dépend de l'importance de l'accumulation bactérienne et de la proportion de bactéries pathogènes. «Mais c'est la persistance de la réaction inflammatoire contre cette infection bactérienne chronique qui finit par détruire l'os et le tissu gingival», précise l'odontologiste.
La maladie constituée impose un traitement odontologique de fond pour la stopper. Il consiste à décontaminer la surface des racines dentaires à l'aide d'instruments introduits en profondeur dans les poches parodontales. Des antibiotiques complètent au besoin le traitement.
La chirurgie permet parfois de corriger les séquelles de la parodontite. «Des biomatériaux inertes poreux - biocéramiques, bioverres, corail, ou d'origine bovine - peuvent aider à la reconstitution de l'os, avec des résultats variables selon les patients et la forme des lésions, indique le Pr Colombier. Certains comportent des facteurs de croissance qui restent délicats à maîtriser. Les gencives et l'attache dentaire sont encore plus difficiles à reconstituer, et les résultats, imprévisibles.» La recherche s'oriente vers l'utilisation de molécules anti-inflammatoires, les résolvines, qui pourraient moduler la réponse inflammatoire locale. Et à bien plus long terme vers l'utilisation des cellules souches.
L'autre grande maladie infectieuse des dents, la carie, a beaucoup régressé, surtout grâce aux dentifrices fluorés. «Mais cette réduction est moindre en France que dans les pays voisins qui ont adopté la fluoration de l'eau», indique le Pr Tenenbaum. Environ 10 % des enfants présentent encore plus d'une carie. La prévention passe par la limitation des sucres qui favorisent la prolifération des bactéries carieuses, surtout streptocoques et lactobacilles, et l'élimination de la plaque dentaire par le brossage avec un dentifrice bien dosé en fluor pour éviter la fluorose.
Les progrès les plus récents viennent de la détection très précoce des caries au moyen de techniques de fluorescence, de l'imagerie 3D pour visualiser les lésions carieuses dans l'espace, et de l'utilisation du laser pour limiter strictement la partie ôtée à la lésion. Lorsque la carie est profonde, des matériaux de comblement bioactifs pourraient favoriser une certaine régénération de la dentine (que l'on appelle aussi ivoire).
Source :
Le Figaro Santé